On a beaucoup entendu parler ces dernières années d’un « boom de l’art africain », mais qu’implique ce boom? Quelles en sont les causes? Quel est l’avenir du marché de l’art africain? Il n’est pas toujours évident de le comprendre. Avant d’investir dans quelque forme d’art que ce soit, il est judicieux d'être renseigné sur la provenance et l’historique des oeuvres. En plus de la valeur ajoutée personnelle que ces informations ajoutent à un achat, elles permettent de déterminer si le type d’oeuvre en question aura à l'avenir une place significative. Comment donc l’art africain est-il devenu si « tendance », et pourquoi est-ce que c'est maintenant qu'il faut investir ?
L’art contemporain africain a pris son envol dans les années 1970, époque à laquelle nombre des pays colonisés d’Afrique ont commencé à reconquérir leur autonomie. S'est sont suivis un revigorement du sentiment patriotique et de la liberté d’expression qui se sont, immanquablement, manifesté dans le domaine des arts visuels. En se mondialisant, le continent a fait la rencontre de nouveaux styles, méthodes et médias, ceux qui avaient l'opportunité de voyager faisant l'expérience de nouveaux modes de vie et de cultures différentes. Au même moment, les artistes africains nourrissaient leur art de ce dont ils faisaient l'expérience et ce dont ils étaient les témoins. Souvent (mais pas toujours), leurs oeuvres traitaient de questions de diaspora et d'identité, utilisaient et intégraient des objets récupérés, ou s’inspiraient de motifs traditionnels pour conserver un sens fort d’« africanité ».
Dagmar Van Weeghel, Diaspora, Portrait de Penda Mbaye
Malgré cette histoire, et malgré des décennies d’art contemporain africain, le « boom de l’art africain » ne s’est vraiment manifesté que ces dernières années. Le marché connaît une progression indéniable, que l’on a attribuée à plusieurs facteurs tels que les avancées de l’infrastructure culturelle, la construction d’un nombre croissant de musées et galeries d’art, la mise en place de plus de foires d’art et d’expositions, et le développement en Afrique d’une classe aisée qui a les moyens de collectionner peintures, sculptures et autres oeuvres d’art. Un rapport récent de la Brookings Institution note en effet que les consommateurs africains ont dépensé 1.4 trillions de dollars en 2015, et qu’on s’attend à ce que ce chiffre atteigne 2.1 trillions de dollars en 2025. Etant donné que les classes aisées se tournent de plus en plus vers l’art en tant que forme d’investissement, nous allons sûrement assister à un développement encore plus fort du marché de l’art contemporain africain. Les résultats sont déjà visibles, avec une croissance saisissante de 41.6% l'année dernière, d'après un rapport récent de ArtTactic.
El Anatsui, Ink Splash II (1999), aluminum et cuivre
Mais en dépit du lustre de l’art africain « à la mode », en combinant l’art africain et sud-américain on n’arrive qu’à moins de 4 % du marché des ventes actuel à l'échelle mondiale. Il y a donc lieu, au milieu des cris d'optimismes qui s'élèvent autour de l’art contemporain africain, de conserver un esprit sobre et de reconnaître qu’il reste une large marge de croissance et beaucoup à faire pour sensibiliser le public.
Justin Dingwall, Mob II (2015), impression sur papier d'art coton, 84,1 x 59,4 cm
Et c’est peut-être justement pour cela que c’est maintenant qu'il faut investir dans l’art africain. Alors que le continent se développe, alors que sont mises en place plus d’infrastructures culturelles et d’institutions, et que le revenu disponible des classes supérieures grandissantes augmente, l’art africain ne peut que gagner en prévalence.
Fily Keita, marchand d'art tribal africain
Acheter maintenant de l’art contemporain africain, c’est contribuer activement au virage décisif que prend son histoire. C’est faire un achat qui permet de faire progresser concrètement la demande et la valeur de ces oeuvres précieuses, et dont le sens va bien au delà de l’aspect fiscal. C’est réaliser un investissement dans des cultures et des histoires robustes et profondes, participer à soutenir l’art et les artistes de l’Afrique. Ces efforts vont contribuer à restaurer et à reconstruire ce qui, pendant si longtemps, a été pillé et mis sous silence par le colonialisme. L’art contemporain africain est un récit d’histoires africaines par des africains et leur diaspora. Il réécrit les règles. Il participe au grand récit qui va changer la manière dont nous percevons un continent et des peuples divers aux racines culturelles profondes, avec toutes leurs nuances et leurs points de vue divers. Comme le déclarait, dans son intervention lors d’une conférence TED en 2017, Touria El Glaoui, commissaire d'exposition et fondatrice de la foire d'art contemporain africain 1-54 : « C’est vraiment à travers l’art que nous pouvons retrouver notre capacité d’intervention et notre autonomie. C’est à travers l’art que nous pouvons vraiment raconter notre propre histoire ». Voilà surement la raison première pour laquelle vous devriez, dès maintenant, devenir collectionneur d’art africain.