Explorer l’Histoire de l’art d’un continent aussi complexe, varié en cultures et à facettes aussi multiples que l’Afrique, en particulier si vous êtes un passionné, peut s’avérer être un vrai labyrinthe. Mais pas de soucis, nous sommes là pour vous aider. Gardez un œil sur notre série des « artistes à connaître ou à suivre » dans chaque pays, et bientôt vous aurez l’air d’un expert !
L’art moderne nigérian a été grandement affecté par le colonialisme, et l’importance des techniques et formations européennes s’est développée durant cette période. Au cours de la dernière décennie, la scène artistique du Nigéria a acquis son indépendance et une reconnaissance à l’internationale, donnant lieu à un regain d’intérêt pour l’art moderne et contemporain du pays. Le Nigéria a vu son économie se développer tandis que l’intérêt pour la mode, la musique et l’art du pays s’est étendu dans le monde. Ceci a favorisé la création de plusieurs galeries d’art locales et internationales, de maisons de ventes aux enchères et même de musées, ainsi que la création, en 2016, de la foire ART X Lagos, la première foire commerciale de ce type en Afrique de l’Ouest.
Nous listons ici 7 des artistes les plus influents du Nigéria, que vous devez absolument connaître! Cette liste est non-exhaustive et pourait probablement inclure plus d’artistes, mais nous espérons qu’elle vous inspirera à entamer plus de recherches sur cette scène artistique dynamique et en plein essor!
Odinigwe Benedict Chukwukadibia Enwonwu, membre de l’Ordre de l’Empire britannique, lauréat de l'Ordre National du Mérite nigérian (1917-94), mieux connu sous le nom de Ben Enwonwu, était un peintre et sculpteur nigérian. Il fut un des premiers artistes nigérians à atteindre un statut international et est possiblement l’artiste africain le plus influent du 20ème siècle. Il est né à Onitsha, à l’Est du Nigéria, qui est devenu part du protectorat britannique en 1900. Sa mère était une marchande de textiles accomplie et son père était un sculpteur et l’a guidé dans ses premiers pas vers la gravure.
Photographie d’archive de Ben Enwonwu dans le studio de Sir William Reid-Dick, travaillant sur un portrait en bronze de la reine Elizabeth II. © Quartz Africa
En 1944, il a reçu une bourse pour aller étudier au Royaume-Uni et a étudié au Goldsmiths College et à la Slade School of Fine Arts. Grace à cette opportunité, il s’est familiarisé aux mouvements artistiques européens majeurs tels que le Symbolisme et le Fauvisme ; ces influences sont clairement visibles à travers son œuvre, ou Enwonwu mélange des styles occidentaux avec sa formation initiale dans l’esthétique Igbo traditionnelle.
Il est devenu un des artistes africains les plus chers dans les dernières années : en 2018, son huile sur toile « Tutu » (1974) a été retrouvée dans un appartement de Londres puis a été vendue aux enchères ou elle a atteint la somme impressionnante de 1,6 millions de dollars, à Bonhams, Londres.
Enwonwu était un pionnier et croyait fermement que le Nigéria devait être enraciné dans sa propre culture, son propre héritage, et évidemment, sa propre Histoire artistique.
Ben Enwonwu « Tutu » (1974). Avec l’autorisation de Bonhams London.
Njideka Akunyili Crosby, née et élevée au Nigéria jusqu’à ses 16 ans, a emménagé aux États-Unis en 1999 ou elle a obtenu sa licence en biologie et art de studio avec mention au Swarthmore College en 2004. Elle est une des femmes artistes contemporaines les plus reconnues, et son travail a été exposé au Whitney Museum of American Art à New York, au Studio Museum à Harlem, New York, et au Hammer Museum à Los Angeles. Elle applique des transferts photographiques, de la peinture, des collages, du dessin au crayon, et de la poussière de marbre, entre autre, à des tableaux multimédias à grande échelle, pour exprimer les facettes multiples de son environnement.
Njideka Akunyili Crosby peint au ’04 de son studio à Los Angeles en septembre 2018. © John D. and Catherine T. MacArthur Foundation.
À propos de son art, elle a déclaré: « de la même manière que les habitants d’anciennes colonies sélectionnent et inventent à partir de caractéristiques qui leur furent transmises par les colons dominants ou métropolitains, j’extrapole de ma formation en peinture occidentale pour inventer un nouveau langage visuel qui représente mon expérience – ce qui semble parfois paradoxalement fracturé et complet – en tant que nigériane cosmopolite. »
Njideka Akunyili Crosby « Intimate Super Blue Omo » (2016) © NJIDEKA AKUNYILI CROSBY, AVEC L’AUTORISATION DE L’ARTISTE, VICTORIA MIRO, AND DAVID ZWIRNER
Yinka Shonibare est né à Londres mais sa famille a emménagé au Nigéria quand il avait 3 ans. Plus tard, il est retourné à Londres et a étudié à la Byam School of Art (désormais Central Saint Martins) et à Goldsmiths, obtenant respectivement sa licence et son master en Beaux-Arts. À travers sa pratique interdisciplinaire, Shonibare fait référence à l’art, l’Histoire et la littérature occidentales afin de questionner la validité des identités culturelles et nationales contemporaines dans le contexte de la mondialisation. Ses travaux puissants et dessins, peintures, sculptures, photographies, films, et installations ironiques contiennent souvent un élément distinct : les fameux tissus « wax » produits avec une technique rappelant du batik. Il considère ces tissus comme la parfaite métaphore pour son identité plurielle.
Yinka Shonibare dans son studio à Londres. © Yinka Shonibare Studio. Photo: James Mollison
Sa pièce iconique, « The British Library » (2014), apparaît dans la collection du TATE Museum, il s’agit d’une installation de 6328 livres reliés, couverts individuellement de tissu wax et arrangés sur des étagères. Des noms sont imprimés en feuille d’or sur le dos de 2700 des livres, dont la majorité sont les noms d’immigrés de première ou seconde génération - certains célèbres, d’autres moins connus - qui ont significativement contribué à la culture et à l’Histoire britannique. En 2021, Shonibare fut le 8ème artiste à recevoir le prestigieux prix annuel « Art Icon » de la Whitechapel Gallery, qui célèbre le travail d’artistes jugés comme ayant profondément influencé leur génération ainsi que les générations futures.
Vue de l’installation « The British Library » de Yinka Shonibare CBE au Tate Modern. Avec l’autorisation Tate photography (Lucy Dawkins).
Peju Alatise est une artiste interdisciplinaire, architecte, autrice de deux romans et une des femmes artistes les plus réputées dans la scène contemporaine. Née en 1975 à Lagos, Alatise a débuté sa formation artistique dans l’architecture en étudiant à la Ladoke Akintola University dans l’état d’Oyo au Nigéria. Dans ses propres mots : « Je ne me suis jamais intéressée à l’art, j’ai toujours été une artiste, j’ai toujours aimé peindre, j’ai toujours aimé dessiner et fabriquer des objets. Mon intérêt a toujours été le fait d’être créative ». Elle a travaillé en tant que chercheuse au Smithsonian Institute à Washington D.C., participé aux débuts du Nigéria au Biennale de Venise en 2017 et a été artiste résidente au Maroc et en Turquie.
« Flying Girls » de Peju Alatise (2017) au Pavillon nigérian du 57ème Biennale de Venise © Peju Alatise
Dans ses travaux, Alatise explore des thèmes tels que la politique, la religion et le féminisme, tout en incorporant de la littérature, du symbolisme et de la mythologie Yoruba traditionnelle. Elle cherche à dénoncer la « condition des femmes et des filles dans un Nigéria hyper-patriarcal, ou les mariages forcés et les kidnappings ne sont pas hors du commun. »
Alatise utilise des matériaux et médias différents, créant des sculptures, tableaux et installations faites de tissus, métaux, perles, bois, ciment et résine, constituant des travaux qui superposent significations et symbolismes.
Peju Alatise dans son studio / Photo: Adeola Olagunju © Al Jazeera
Ade Adekola est un artiste contemporain né au Nigéria, détenteur de prix d’architecture, entrepreneur, intellectuel, et auteur. Né en 1966, il a été élevé au Nigéria ainsi qu’au Royaume-Uni. En 1992, il a obtenu une licence de la Architectural Association à Londres, avec une spécialité en architecture et design. De la fin des années 90 à 2005, il a vécu dans la Silicon Valley, ou il a été témoin de la révolution digitale dans la photographie.
Ade Adekola, de la série « Egungun » (2013). Avec l’autorisation de l’artiste et de LagosPhoto.
En utilisant une variété de médias dont la photographie, les installations et l’art interactif, il explore des thèmes tels que l’évolution de la culture, les questions de migration, et la mondialisation, avec un mélange particulier de langages visuels qui croisent des cultures multiples. Grace à la post-production, Adekola crée des images superposées avec une saturation exagérée qui incluent des photographies de son archive personnelle et, occasionnellement, d’archives publiques. Ainsi, l’artiste parvient à donner aux spectateurs une opportunité de voir au-delà de la perception de l’œil nu.
Interview de Ade Adekola par ART X Lagos, provenant de YouTube © ART X Lagos
Victor Ehikhamenor est né à Udomi-Uwessan, dans l’état d’Edo au Nigéria, il vit et travaille entre Lagos et le Maryland aux USA. Il est décrit comme « sans doute un des artistes contemporains les plus innovateurs d’Afrique » et sa pratique compte de la peinture, du dessin, de la photographie, de la sculpture, des installations ainsi que des travaux perforés à la main sur papier. Son travail affiche plusieurs aspects de la mythologie, du folklore et de l’iconographie religieuse stratifiés du Nigéria, ainsi que du récit politique du pays. Ehikhamernor a été sélectionné pour représenter le pays à l’occasion de la première apparition du Nigéria au Biennale de Venise en 2017 – aux côtés de Peju Alatise et de Qudus Onikekuwhere – ou il a exposé une installation à grande échelle intitulée « A Biography of the Forgotten » (« Une Biographie de l’Oublié »). L’œuvre mélangeait des formes abstraites avec de la sculpture traditionnelle, et symbolisait les conséquences de la colonisation sur l’héritage culturel.
Victor Ehikhamenor travaillant dans son studio © BAZAAR
L’artiste est également le fondateur d’Angels and Muse, un laboratoire de pensée dédié à la promotion de l’art et de la littérature africains contemporains à Lagos, qui comprend une salle multidisciplinaire qui sert également d’exposition, d’espace de travail collaboratif et d’espace de résidence qui peut aussi se convertir en Airbnb avec un salon et deux chambres avec salle de bain privée.
Angels and Muse, la suite « Victor Ehikhamenor Signature » © Omenka
Twins Seven-Seven est né en 1944 sous le nom de Taiwo Olaniyi Oyewale-Toyeje Oyelale Osuntoki à Ijara au Nigéria. Le nom Twins Seven-Seven vient du fait qu’il fut le seul enfant à avoir survécu, des sept portées de jumeaux de ses parents. « Ils croyaient que j’étais la réincarnation des jumeaux qu’ils avaient perdu », a-t-il confié au Baltimore Sun en 2001. Il est un des artistes les plus célèbres de la Osogbo School, ou, en 1964, il a participé à un des ateliers d’art Mbari Mbayo animé par les auteurs et universitaires allemands Georgina et Ulli Beier.
Prince Twins Seven-Seven « Blessed Fisherman Family and Golden Fish » (2006)
Avec l’autorisation de la Indigo Arts Gallery
Son style visuel a débuté avec du stylo à plume, puis de la gravure à l’eau forte et de la peinture, jusqu’à 1969, ou il a inventé la peinture laminée sur bois, une technique qu’il a appelé « sculpture’s paintings » (« les peintures de la sculpture »). Twins a adopté à la fois les traditions et la vie quotidienne comme sujets, développant un style linéaire reconnu pour sa spontanéité et son imagination, et son style fait souvent référence à la cosmologie et la mythologie de la culture Yoruba.
Twins Seven-Seven dans son studio © PUNCH
Après avoir appris qu’il avait un lien de parenté avec Osuntoki, le roi de sa ville natale, il a commencé à être reconnu officiellement comme « Prince ».
Ses travaux ont été exposés lors de nombreuses expositions à travers le monde, notamment au Musée National d’Art Moderne au Centre George Pompidou à Paris, au Musée des Arts Contemporains de Houston, au MoMA à New York, au Musée National d’Art Africain à Washington D.C., et à la Galerie Nationale d’Art Moderne à Lagos.