C’est avec le soufflé coupé que les professionnels et experts du monde de l’art attendent le rapport Art Basel UBS chaque année. Il s’agit du rapport le plus détaillé sur l’industrie de l’art et offre une évaluation complète de la performance du marché de l’année précédente, ce qui donne aux entreprises l’opportunité d’analyser l’état actuel du marché, et de planifier en conséquence pour les années à venir.
Cependant, au vu du niveau de détail pointilleux du rapport, qui couvre les statistiques des marchands d’art, l’activité des sociétés de vente aux enchères, les foires d’art, ventes en ligne, et bien plus, lire l’intégralité du rapport et trouver les informations les plus essentielles peut se trouver être une tâche éprouvante. Nous avons résumé les points à retenir du rapport Art Basel UBS 2021, et avons également souligné les impacts principaux de l’année 2020 sur le marché de l’art africain.
Le marché mondial de l’art
Au vu de l’impact de la pandémie mondiale du COVID-19, c’est sans surprise que l’on constate un déclin de 22% des ventes globales d’art et d’antiquités en 2020 comparé à l’année précédente. Les trois marchés les plus larges, les Etats-Unis, la Chine et le Royaume-Uni, ont maintenu leurs positions en tant que leaders du marché mondial, bien que leurs marchés aient observés un déclin de 24%, 12% et 22% respectivement. Malgré tout, chacun de ces marchés est parvenu à enregistrer une meilleure activité que lors de la récession de 2009. Compte tenu du rétablissement rapide du marché de l’art après la récession de 2009 comparé à d’autres industries, Pavillon 54 estime que le marché de l’art a une tendance à opérer indépendamment des index financiers tels que le S&P 500 ou le FTSE 100. Alors que les autres industries se sont débattues pendant plusieurs années à la suite de la crise économique, le marché de l’art était de nouveau sur pieds en 2010. On pourrait s’attendre à une conjoncture similaire pour 2021, si le COVID-19 n’était pas toujours présent et toujours à l’origine de confinements et de fermetures prolongées ou de restrictions concernant les événements dans le monde de l’art ainsi que les musées et galeries. Pour contrebalancer les difficultés rencontrées par le marché physique de l’art, la valeur du marché en ligne a atteint un sommet historique en doublant à 12,4 millions de dollars l’année dernière, et en proclamant une part plus élevée que jamais dans le marché de l’art global, à 20%.
Marchands, sociétés de ventes aux enchères et foires d’art
Avec la fermeture des galeries, musées, sociétés de ventes aux enchères et foires, le marché physique de l’art s’est indéniablement affaibli en 2020. Les marchands d’art ont observé une chute des ventes de 20%, certains ont du se résoudre à réduire leurs coûts de gestion ou leurs effectifs afin de maintenir leur rentabilité. Presque la moitié (48%) des marchands consultés pour le rapport ont déclaré qu’ils ont eu besoin d’accéder à des prêts, dont 68% ont reçu des aides ou crédits remboursables de leurs gouvernements. Les sociétés de ventes aux enchères se sont retrouvées dans une situation encore plus délicate avec une chute de 30% de leurs ventes l’année dernière. Alors que la plupart des ventes sont passées à un modèle en ligne – un secteur qui est connu pour vendre à des valeurs bien moins élevées que ses équivalents physiques – et étant donné que les collectionneurs étaient bien conscients du fait que 2020 n’était pas le bon moment pour vendre leurs pièces, les sociétés de ventes aux enchères ont observé une chute dans la valeur et la quantité des œuvres disponibles sur le marché. Toutes les entreprises dans l’industrie de l’art ont du réorganiser leurs stratégies commerciales afin de trouver les versions en ligne des calendriers standard des grandes expositions et foires, qui ont observé un flot de salles d’exposition en ligne (« Online Viewing Rooms ») et de ventes aux enchères exclusivement en ligne poussées à l’avant de la scène artistique. Ces opérations en lignes ont rencontré un succès exceptionnel auprès des nouveaux collectionneurs, en particulier dans le secteur des ventes aux enchères. Quant aux foires, 61% ont été annulées en 2020, 37% ont été suspendues et 2% ont organisé une foire hybride, en ligne et physique, ou un autre modèle alternatif. La majorité (62%) des foires qui ont eu lieu ont proposé une salle d’exposition en ligne pour contrebalancer les restrictions mises en place au vu du COVID. Malgré la réduction des offres de foires, presque la moitié des collectionneurs interrogés ont déclaré qu’ils étaient confiants et à l’aise avec l’idée d’assister à une foire d’art à un certain point en 2021.
Le commissaire Oliver Barker a « orchestré » une vente d’œuvres contemporaines, modernes et impressionnistes pour Sotheby’s d’une salle de contrôle à Londres. © Sotheby's
À propos du marché de l’art africain en particulier, on observe une disparité concernant le soutient ressenti par différents marchés régionaux durant la pandémie. Les plus grands marchés, tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, ont témoigné qu’ils avaient reçu une quantité considérable d’aides durant cette période. Cependant, les marchés tels que l’Afrique et l’Amérique du Sud ont reçu moins de soutien, probablement du au fait qu’ils accueillent des plus petites entreprises. Bien que l’Afrique fût l’une des régions où beaucoup d’entreprises ont eu recours à des réductions d’effectifs afin de se maintenir à flot (avec 28% des entreprises déclarant qu’elles ont du licencier des membres de leur personnel), la région fut également un des seuls marchés à avoir augmenté ses effectifs dans l’industrie de l’art, avec 28% des entreprises déclarant qu’elles ont augmenté leur main d’œuvre (un pourcentage bien plus élevé que dans d’autres régions). Ceci démontre que certaines entreprises on pu se développer durant cette période, et que le marché de l’art africain a pu observer de la croissance dans certains aspects, malgré la disparité au sein des différents marchés de l’art régionaux et le cas de force majeure mondial.
La foire d’art contemporain africain 1-54 à Londres, 2020. Photo de Rocio Chacon.
Le marché de l’art en ligne
Le marché de l’art en ligne a pris la plus grosse part de 2020, observant sa plus grande croissance jamais enregistrée. Les ventes d’art en ligne ont doublé, à 12,4 millions de dollars l’année dernière, augmentant leur part de marché de moins de 10% (9% pour être exact), à 25%. Dans les secteurs des marchands et des foires, cette figure a triplé, de 13% à 39%, du au mouvement vers les salles d’exposition en ligne (« Online Viewing Rooms » ou « OVRs ») et les expositions virtuelles. Il est intéressant de noter que seulement 32% des ventes en ligne ont été effectuées par des nouveaux collectionneurs, une baisse comparé aux 57% enregistrés en 2019.
Capture d’écran de la salle d’exposition en ligne de la galerie Thaddaeus Ropac à Art Basel Hong Kong, Mars 2020. Fourni par Art Basel Hong Kong
Beaucoup d’entreprises on déclaré que leur objectif principal pour 2020 était de cultiver leur clientèle actuelle, ce qui démontre que les collectionneurs expérimentés ont découvert le marché de l’art en ligne (ainsi, ils ont saisi une plus grosse part du marché) tandis que les nouveaux collectionneurs (qui d’habitude sont plus inclinés vers le marché en ligne) ont absorbé une part moins importante l’année dernière. Bien que beaucoup aient du se résoudre à des ressources digitales pour acheter et vendre, les collectionneurs ont déclaré qu’ils préféraient de loin acheter et vendre de l’art en personne, avec 66% exprimant cette préférence. Malgré l’enthousiasme affiché par les collectionneurs vis-à-vis d’un retour aux modes physique de vente et d’achat dans le futur, beaucoup de commerces et de professionnels dans le monde de l’art ont déclaré qu’ils s’attendent à un maintien d’un système hybride en ligne/hors ligne post-COVID-19.
Impact économique
De manière générale, l’emploi dans l’industrie mondiale de l’art a subi une chute de 5% en 2020. Très peu d’entreprises ont eu la possibilité de s’élargir durant cette période, beaucoup on du recourir à des réduction d’effectifs, bien que la majorité aient réussi à se stabiliser. La plupart des entreprises dans l’art s’attendent à une stabilisation des taux d’emploi en 2021, et 39% ont annoncé qu’ils s’attendaient à une augmentation de la main d’œuvre. Les conséquences de la pandémie ont affecté les régions et populations distinctes de manières différentes, avec les personnes les plus économiquement vulnérables, les femmes, les jeunes, et les personnes sous contrats précaires, particulièrement affectées.
La Royal Academy of Arts à Londres est un des musées britanniques qui a du faire face à une vague de licenciements, ils ont du reconsidérer plus de 100 rôles.
Le monde de l’art est considéré comme une industrie avec un poids considérable, avec des grandes galeries et institutions collectant la plupart des profits et des bénéfices chaque année. Beaucoup suspectent que la pandémie a exacerbé cette polarisation entre les grandes organisations et les PME. Cependant, la pandémie a également provoqué un grand choc dans le marché en ce qui concerne la part du marché en ligne, prouvant que l’innovation et le progrès sont possibles dans un marché extrêmement traditionnel. La croissance du marché de l’art en ligne a permis le développement de nouveaux partenariats et collaborations, ce qui est perçu comme ayant créé un effet de démocratisation. Le défit pour les entreprises de l’industrie de l’art dans le futur, sera de capturer et de maintenir l’attention des collectionneurs, en particulier dans un espace digital saturé et homogène.